Un "bidonville à la verticale": amende et prison requis contre deux marchands de sommeil
Huit mille euros d'amende et six mois de prison, pour l'un avec sursis, pour l'autre ferme en raison de précédentes condamnations, ont été requis contre deux propriétaires pour avoir perçu des loyers malgré un arrêté de péril frappant une copropriété dégradée de Marseille, qualifiée de "bidonville à la verticale".
Les deux propriétaires de studios du Gyptis, une ancienne résidence universitaire de 259 logements qui a connu à partir de 2018 une descente aux enfers avant d'être transformée en point de vente de stupéfiants, ont contesté avoir eu connaissance de l'arrêté de mise en sécurité concernant les parties communes signé le 22 février 2022.
Dans cet immeuble, totalement évacué en mars 2023, les fuites d'eau étaient nombreuses en raison de détériorations par des squatteurs et l'installation électrique très dégradée, câbles à nu ou coupe-circuits remplacés par du papier d'aluminium.
68 interventions des marins-pompiers
La présidente du tribunal correctionnel a évoqué 68 interventions des marins-pompiers sur une courte période, notamment pour 16 incendies. Un propriétaire vivant au Maroc a renvoyé sur le gérant de son studio de 28 m², acheté 29.650 euros en mars 2020, la responsabilité de l'encaissement indu des loyers durant la période couverte par l'arrêté de péril - février à novembre 2022. "Le gérant s'occupe de tout, de A à Z, et le syndic, je ne l'ai jamais vu", a expliqué ce Marocain qui avait acheté ce studio sans même le visiter.
Le représentant de l'agence immobilière, contre laquelle la procureure a réclamé une amende de 15.000 euros, a maintenu n'avoir jamais été informé de l'arrêté, l'exemplaire affiché sur l'immeuble ayant été très vite arraché par les trafiquants. L'autre propriétaire, qui avait acquis deux studios pour 60.000 euros, s'était entendu dire, en juin 2022, par un de ses locataires qu'il ne devait plus percevoir les loyers, mais avait néanmoins délivré une quittance pour le mois de juillet. "J'étais en Algérie, je ne regarde pas mes mails", a-t-il répondu, assurant aussi que l'arrêt du versement d'une partie du loyer par la CAF dès mars 22 ne l'avait pas alerté.
Selon le syndic, les 187 copropriétaires avaient bien été informés de l'interdiction de percevoir les loyers. L'avocat de deux locataires, Me Aurélien Leroux, a réclamé le remboursement des loyers indûment encaissés et 5.000 euros de préjudice moral. La défense a plaidé une relaxe générale. Le jugement sera rendu le 1er juillet.