Procès en appel de l'attentat de Nice: l'interrogatoire des accusés prend fin
Le procès en appel de l'attentat de Nice est entré dans sa phase finale ce lundi 3 juin avec la fin de l'interrogatoire des deux accusés, amis de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, auteur de l'attentat au camion-bélier qui a fait 86 morts sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016.
Dernier à être interrogé, Chokri Chafroud, un Tunisien de 44 ans qui ne s'exprime pas en français, s'est montré peu loquace face aux demandes de l'avocate générale et des avocats des parties civiles.
"Je n'en ai aucune idée", "ça ne me dit rien" ou encore "je ne m'en souviens pas" et "je ne sais pas", a-t-il souvent répondu, via un interprète, aux questions de Naïma Rudloff, la représentante du parquet.
"Décidément, M. Chafroud a un problème de mémoire", s'est agacée la magistrate.
Une de ses avocates, Me Chloé Arnoux, rappelle que son client à un niveau de CE2.
Des messages violents et haineux
L'avocate générale évoque ses nombreux échanges sur Facebook avec son compatriote Lahouaiej-Bouhlel et notamment ses messages, extrêmement vulgaires, où il suggère de foncer sur des gens avec un camion.
"C'était une période où je n'étais pas bien. J'étais en colère. Je voyais des gens à la plage qui avait tout et moi je n'avais rien", explique Chokri Chafroud.
À l'époque de ces messages pleins de haine, Chokri Chafroud vivotait à Sousse (est de la Tunisie). Après un premier passage à Nice à l'été 2015 où il a rencontré pour la première fois Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, il était reparti en Tunisie au début de l'année 2016, sans perdre contact avec son compatriote, avant de revenir clandestinement à Nice au printemps 2016.
"Je n'imaginais pas ce que Lahouaiej-Bouhlel avait dans la tête", assure Chokri Chafroud. Il ne conteste pas ses messages où il est question d'"égorger", "massacrer", "défoncer" ou encore "niquer" des innocents. "Il y a de la violence mais ça reste des mots", lâche-t-il, debout dans son box, raide comme un piquet.
S'il a réfuté avoir fourni une arme à Lahouaiej-Bouhlel, Chokri Chafroud a reconnu que ce dernier lui avait bien demandé de l'aider à trouver un pistolet pour effacer une dette de 100 euros. "Mais je n'ai pas cherché", se défend l'accusé.
"Ça ne fait pas de moi un terroriste"
Cette version des faits a souvent varié au cours des différents interrogatoires de Chokri Chafroud. Auparavant, il avait dit avoir vainement cherché une arme pour son ami. Autant le Tunisien est avare de ses mots, autant son co-accusé, Mohamed Ghraieb, un Franco-Tunisien de 48 ans, est volubile quand il s'exprime.
Lors de son interrogatoire, Mohamed Ghraieb n'a cessé de clamer son innocence. "J'ai rien fait", a-t-il lancé, au bord des larmes, lors de son ultime interrogatoire vendredi. "Je ne suis pas un terroriste, je ne suis pas un islamiste", a-t-il soutenu.
Contrairement à ce qu'il avait affirmé lors du procès en première instance, Mohamed Ghraieb a reconnu qu'il avait envoyé à son ami Lahouaiej-Bouhlel, trois jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, un message approuvant la tuerie. "T'as vu comment Dieu les a envoyés des soldats d'Allah pour les finir comme des m!!", avait-t-il écrit.
"J'étais bourré. J'étais en colère", s'est-il justifié. "Ce message à la con, ça ne fait pas de moi un terroriste", a-t-il insisté.
Les deux co-accusés affirment qu'ils se connaissaient à peine avant l'attentat. En revanche, ils étaient tous deux proches de Lahouaiej-Bouhlel. Quelques jours avant le massacre de la promenade des Anglais, les deux hommes avaient été invités, à tour de rôle, par Lahouaiej-Bouhlel à monter dans le camion qui a servi à commettre l'attentat.
Poursuivis tous les deux pour association de malfaiteurs terroriste, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud ont été condamnés à 18 ans de réclusion criminelle en première instance. Ils encourent tous deux 20 ans de détention.
Après les plaidoiries des avocats des parties civiles, prévues jusqu'à vendredi 7 juin, la parole sera donnée lundi prochain à l'avocate générale pour ses réquisitions. Le procès doit s'achever le 14 juin.