Présidentielle 2022: sur Facebook, Nicolas Dupont-Aignan fait un carton
"Je suis premier sur Facebook." Le 17 décembre 2020, au micro de France Inter, Nicolas Dupont-Aignan annonçait fièrement sa performance numérique, non sans attirer quelques remarques. Le leader du parti Debout la France, candidat à l’élection présidentielle de 2022, est en effet loin d’être le politique français le plus suivi du réseau social.
Avec 437.000 abonnés sur Facebook, Nicolas Dupont-Aignan est largement devancé par sa rivale Marine Le Pen, 1,6 million d’abonnés sur la plateforme, ou par Emmanuel Macron (3,8 millions d'abonnés) ou Jean-Luc Mélenchon (1,2 million).
Bien que maladroite, sa phrase est pourtant loin d’être anecdotique: depuis un an, l’homme politique survole la concurrence en nombre d’interactions, grâce à de multiples vidéos en direct.
5 millions de partages en un an
Sur Facebook, le nombre d’interactions cumule la somme des réactions à une publication, que cela passe par un "like", un commentaire, ou un partage. Et à ce jeu là, Nicolas Dupont-Aignan a semble-t-il trouvé la formule gagnante en dominant l’ensemble des candidats les plus sérieux pour 2022, comptant parfois bien plus d’abonnés que lui.
Grâce à l’outil CrowdTangle, proposant des statistiques liées à Facebook, BFMTV a pu comparer le parcours de Nicolas Dupont-Aignan à celui de potentiels rivaux pour 2022: Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Florian Philippot, François Asselineau, mais également Anne Hidalgo, Yannick Jadot ou encore Xavier Bertrand. Emmanuel Macron n’a pas été intégré à la comparaison en raison de son statut de président de la République.
Entre le 1er février 2020 et le 9 février 2021, les publications de Nicolas Dupont-Aignan ont entraîné 13,7 millions d'interactions, contre 9,7 millions pour celles de Marine Le Pen et 6 millions pour Jean-Luc Mélenchon. Avec un nombre important de réactions, mais aussi de partages, preuve d'une certaine adhésion à son discours.
Sur la même période, les publications de Nicolas Dupont-Aignan ont notamment cumulé plus de 5 millions de partages, loin devant Marine Le Pen (2 millions de partages) et Jean-Luc Mélenchon (1,8 million de partages) qui complètent le trio de tête.
Des vidéos autour du Covid-19
Parmi les cinq publications les plus populaires - cumulant le plus d’interactions - depuis un an parmi notre panel de candidats, quatre ont été publiées par Nicolas Dupont-Aignan. Toutes contiennent des vidéos liées à la crise du Covid-19.
Les deux premières, vues 4,7 et 4,8 millions de fois évoquent d’une part l’ouverture des commerces durant le deuxième confinement dans la ville de Yerres - dont Nicolas Dupond-Aignan a longtemps été maire -, et d’autre part une circulaire incitant les Ehpad à ne pas transférer les patients les plus fragiles en réanimation.
Les deux autres vidéos concernent quant à elles un projet de loi rédigé en décembre 2020 concernant un hypothétique passeport vaccinal (2,1 millions de vues) et le vote en novembre de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire (2,2 millions de vues).
Seul Jean-Luc Mélenchon parvient à s’immiscer dans ce “top 5”, avec un partage de la vidéo de violences infligées par des policiers au producteur de musique Michel Zecler, fin novembre 2020. Une publication vue 2,7 millions de fois.
Sur les douze derniers mois, Nicolas Dupont-Aignan a ainsi vu le nombre d’abonnés à sa page exploser (+85%), contre 77% pour François Asselineau, 23% pour Xavier Bertrand, 13% pour Jean-Luc Mélenchon ou encore près de 6% pour Marine Le Pen.
Salvini comme modèle
Pour devenir l’une des personnalités politiques les plus influentes de Facebook, Nicolas Dupont-Aignan a jeté un œil de l’autre côté des Alpes, en Italie. “Mon modèle, c’est Salvini (Matteo Salvini, le leader de l’extrême droite italienne, NDLR) confie-t-il à BFMTV.
“J’ai adoré sa méthode car cela me permettait d’être moi-même. Aux européennes (où il n’a obtenu que 3,51% des suffrages, NDLR), j’ai fait un contresens: je me suis exprimé sur les réseaux sociaux comme on s’exprime à l’Assemblée nationale. Mais si les gens vont sur les réseaux sociaux, c’est pour voir ce qu’on a dans le ventre” assure le candidat de Debout la France, qui a attiré 1,7 millions d’électeurs à la présidentielle de 2017 (4,7% des suffrages).
Auprès de BFMTV, Nicolas Dupont-Aignan assure toutefois qu’il n’ira pas aussi loin que Matteo Salvini, dont les mises en scène sur Facebook font parfois scandale. Début 2020, l’homme politique italien avait vu une vidéo supprimée par Facebook: elle le mettait en scène devant l’interphone d’un ressortissant tunisien qu’il accusait de trafic de drogue.
Micro, maquillage et trépied
Contrairement à Marine Le Pen, qui adopte une stature plus solennelle dans ses séquences partagées sur Facebook, Nicolas Dupont-Aignan affirme miser sur une forme de proximité avec ses abonnés.
“Je prépare un peu, mais j’improvise beaucoup. Je n’enregistre jamais, tout est en direct. Ça fonctionne quand c’est spontané, même si on ne sait jamais quelle vidéo va marcher à l’avance” explique-t-il, faisant référence à un avantage des vidéos en direct sur Facebook: l’envoi d’un grand nombre de notifications aux abonnés à sa page, particulièrement utiles pour attirer les spectateurs.
Avec désormais un micro, une boîte de maquillage et un trépied dans chaque bureau, Nicolas Dupont-Aignan estime que son influence sur Facebook est aussi importante que plusieurs passages dans les journaux télévisés nationaux.
Au total, les vidéos publiées par ses soins depuis un an cumulent 130 millions de vues, soit presque autant que la somme des sept autres personnalités politiques du classement. En seconde position arrive Jean-Luc Mélenchon (66 millions de vues) qui devant légèrement Marine Le Pen (61 millions de vues).
“Je suis à 7% dans les sondages, et c’est grâce à Facebook. Je n’ai pas TF1 et les grands médias. Facebook n’attire pas forcément les plus jeunes, mais je sais que mes vidéos tournent également sur d’autres plateformes” se réjouit-il.
Comme Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau a réussi à fédérer une large communauté sur Facebook. Aux côtés de Florian Philippot, ils ont tous trois envoyé une lettre au ministre de la Santé Olivier Véran afin de réclamer la transparence sur les traitements du Covid-19, évoquant notamment l'hydroxychloroquine prônée par le professeur Raoult malgré plusieurs études sur son inefficacité. Un thème cher à une partie de la population, mais également à certaines plateformes prisées des complotistes, à l’image du blog France-Soir.
Depuis le début de l’année 2021, François Asselineau comme Florian Philippot ont franchi le pas pour séduire cet électorat, en répondant aux questions de France-Soir. Malgré le succès de ses vidéos consacrées à la critique de la politique sanitaire du gouvernement, Nicolas Dupont-Aignan assure qu’il ne prendra pas cette voie pour autant.
“Ma limite, c’est que je ne nie pas l’épidémie. J’étais même l’un des plus alarmistes au départ. Mais je suis en désaccord avec les moyens de lutter contre. Là où je suis ne peux pas suivre les complotistes, c’est que leur critique des mesures gouvernementales aboutit à la négation de l’épidémie, qui fait malgré tout 300 morts chaque jour."
Transformer le succès en "adhésion à un projet"
À un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan espère désormais convertir cette popularité numérique en succès électoral, tout en admettant que les réseaux sociaux sont un meilleur outil d’indignation que d’adhésion.
“L’enjeu pour moi est que ce succès sur Facebook soit transformable en adhésion à un projet. Et dans le dégagisme actuel, c’est très difficile. Les vidéos qui marchent le mieux sont des vidéos de critiques et non des vidéos de projet. Je fais très attention à diversifier la programmation", détaille-t-il.
Depuis le 6 février dernier, le candidat tente par ailleurs une incursion sur YouTube avec un nouveau rendez-vous baptisé “NDA décrypte l’actu”. Avec un peu plus de 13.000 vues, la première vidéo rencontre un succès pour le moins modeste. Sur la plateforme de streaming vidéo de Google, Nicolas Dupont-Aignan fait face à un candidat de taille: Jean-Luc Mélenchon, qui dispose quant à lui de 500.000 abonnés.