Pourquoi la taxe d'aménagement sur les abris de jardin connaît des ratés
Depuis quelques années, la taxe d'aménagement ne fait plus recette. Au grand dam des collectivités locales. A ne pas confondre avec la taxe foncière, cette taxe créée en 2012, et souvent surnommé la "taxe sur les abris de jardin", est due par les particuliers, entreprises ou acteurs institutionnels pour toute construction ou aménagement supérieur à 5m2, avec une hauteur de plafond supérieure ou égale à 1,80m. Elle est donc exigible pour des travaux qui nécessitent une autorisation d'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager et déclaration préalable de travaux). Cela concerne par exemple une extension, ou une création d'une véranda, d'une cave ou d'une cabane de jardin. "Les bâtiments non couverts tels les terrasses ou ouverts sur l’extérieur comme les pergolas, sont exclus de la surface taxable", précise Bercy sur son site.
Des exonérations sont possibles pour les petits abris de jardin, pour les reconstructions à l'identique d'un bâtiment détruit depuis moins de 10 ans à la suite d'un sinistre, ou pour les aménagements prescrits par un plan de prévention des risques. Le creusement d'une piscine est assujetti à une taxe forfaitaire (258 euros par mètre carré en 2024). On rappelera que cette taxe n'est due qu'une seule fois et ne revient pas chaque année. Elle est perçue par la commune, le département, et en Île-de-France seulement, par la région.
Le montant des bases de calcul progresse régulièrement. Il a ainsi augmenté de 3,4% en 2024, après une hausse de 8% en 2023 et de 7% en 2022.
Un calcul complexe
Comment est calculée la taxe d'aménagement? Vous devez partir d'une valeur fixée par m2 par l'administration (914 euros par m2 hors Île-de-France et 1.036 euros par m2 en Île-de-France en 2024). Vous multipliez ensuite ce montant par la surface concernée. Enfin, vous appliquez à ce montant plusieurs taux (communal, départemental et, dans le cas de la région parisienne, régional). Le taux peut varier de 1% à 5% (et jusqu'à 20% dans certains secteurs où s'applique une majoration) pour la part communale. Le taux maximal pour la part communal est de 2,5%.
Exemple de calcul:
Vous construisez, en dehors de la région parisienne, un abris de jardin de 2 mètres de hauteur avec une surface au sol de 10 m2.
Le taux communal est de 3% et le taux départemental de 2,5%.
La valeur taxable est de: 10 m2 X 914 euros = 9.140 euros.
Le montant de la taxe d'aménagement est de: 9.140 euros X (3%+2,5%)= 502,7 euros
Une manne pour les collectictivités. Sauf que, depuis quelques années, le recouvrement de la taxe connaît des ratés. La faute à un changement de procédure, d'acteurs et de dysfonctionnements de l'outil.
Modification de l'exigibilité
La loi de finances 2021 avait introduit une réforme de la taxe d'aménagement passée relativement inaperçue. "C'est passé comme une lettre à la poste. Personne n'a compris la portée du changement", relève la sénatrice de la Haute-Savoie, Sylviane Noël (LR). En réalité la réforme est cruciale puisqu'elle vient modifier le fait générateur de l'exigibilité, c’est-à-dire la date à partir de laquelle la taxe est due. Désormais la taxe d'aménagement n'est plus collectée lors de l'autorisation d'urbanisme mais lors de la déclaration attestant achèvement et conformité des travaux.
La taxe est donc désormais subordonnée à la déclaration par le contribuable de l'achèvement de ses travaux. La sénatrice relève que ce changement d'exigibilité perturbe le calendrier de recouvrement, et que dans cette situation, il est "impossible de construire des budgets communaux".
Lors des questions au gouvernement, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a défendu une harmonisation des procédures applicables aux autres taxes foncières et le décalage de l'exigibilité à la date d'achèvement des travaux. Le ministre ajoute également que la construction peut être considérée comme achevée à partir du moment où l'utilisation des locaux est possible même lorsque la déclaration attestant l'achèvement des travaux n'a pas été déposée.
C'est bien connu, les travaux on sait quand ils commencent, plus rarement quand ils sont achevés. Ce qui rend imprévisible la date de collecte de la taxe d'aménagement. Les particuliers concernés peuvent également tarder à déclarer et se mettre en conformité. C'est un nouveau travail de vérification imposé aux collectivités, déplore la sénatrice.
"C'est désormais aux communes d'aller chercher la déclaration d'achèvement. On dit qu'on veut protéger les élus, puis on les met à portée de baffe", déplore la sénatrice.
Changement de mode opératoire
Le changement de date d'exigibilité n'est pas le seul motif qui perturbe le recouvrement de la taxe. En 2022, la gestion de la taxe d'aménagement est transférée des services chargés de l'urbanisme du ministère de la Transition écologique (MTE) vers les services fonciers de la Direction générale des finances publiques. Un changement logique puisque les agents de la DGFiP en assuraient déjà le recouvrement. "Ce transfert concernait les agents au 1er septembre. Le pôle MTE du Ministère de l'Ecologie conservait les dossiers en cours. Seuls les nouveaux dossiers devaient être traités par la DGFiP. 16 agents préfigurateurs étaient en place pour les bêtatests", explique Frédéric Scalbert, du bureau national de la CGT Finances publiques.
Selon lui, le transfert n'a pas été suffisamment préparé et le nombre d'agents transférés est insuffisant au regard des postes prévus. "Un peu moins de 120 agents ont été effectivement transférés. Résultat, on est en sous-effectif, les collègues en place gèrent le tout-venant et les dossiers restent en souffrance".
Selon lui, les agents préfigurateurs n'ont pas été suffisamment mis à contribution pour la mise en place de la taxe à la DGFiP. Un manque d'organisation lié aux changements que connaît la sphère foncière de la DGFIP. "On est en pleine refonte. Il y a un retard à l'allumage à cause de l'empilement de réformes."
Problèmes avec le module GMBI
Le secrétaire national pointe aussi les défaillances du module taxe d'aménagement, mis en place dans l'outil GMBI ("gestion de mes biens immobiliers"), utilisé par les particuliers pour déclarer les caractéristiques des travaux de construction et s'acquitter du règlement de la taxe d'aménagement. La plateforme est désormais bien connue des particuliers, puisqu'elle est accessible lors de la déclaration de revenus.
Or l'outil est source d'erreurs. Le délégué syndical pointe par exemple: "si on déclare une piscine comme un aménagement extérieur au lieu d'une construction, alors elle sera considérée comme non taxable. Il a fallu rajouter de nouveaux verrous".
Résultat: un bilan très maigre de la direction. Il y avait 1.532 avis envoyés pour décembre 2023, ce qui est "ridicule, alors qu'il y a environ 500.000 projets de construction chaque année", relève encore Frédéric Scalbert.
Coup porté à l'autonomie fiscale des collectivités
La grogne monte du côté des collectivités locales. Cette nouvelle donne concernant la taxe d'aménagement s'ajoute aux réformes des impôts déjà dénoncées par les communes. Disparition de la taxe d'habitation compensée par une fraction de la TVA, diminution des droits de mutation (avec la baisse des prix et du nombre de transactions immobilières), réduction des impôts de production, etc. "C'est un nouveau coup porté à l'autonomie fiscale des collectivités locales", dénonce Sylviane Noël. "C'est très impopulaire auprès des maires".
"C'est un réel manque à gagner pour les collectivités locales, surtout pour celles dont les sources de recettes sont assez peu diversifiées, notamment les petits villages de 300 à 400 habitants", complète le délégué syndical.
En l'absence de recouvrement effectif, les projets de voirie, de préservation du milieu naturel, de la biodiversité et ceux liés à la lutte contre le réchauffement climatique, auxquels sont généralement affectées les recettes de la taxe d'aménagement, pourraient être retardés.