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Vladimir Poutine, un chef d'État impopulaire? Vu de la France, la cote de popularité du chef du Kremlin peut paraître douteuse. Celui-ci vient pourtant de prêter serment, ce mardi 7 mai, pour un cinquième mandat, alors qu'une guerre fait rage avec l'Ukraine depuis plus de deux ans. Des Russes opposés à cette "opération spéciale"? "Ça n'existe pas", raconte à BFMTV Viktoria, une ancienne habitante du Donbass ukrainien.
Des quartiers d'affaire de Moscou aux confins plus reculés du pays, l'équipe de "Ligne Rouge" a interrogé des Russes soutenant Vladimir Poutine envers et contre-tout. Un documentaire BFMTV diffusé ce mardi 7 mai.
"Mes associés n'aiment pas les Français à cause de Macron"
Contrairement à ce que pourrait laisser imaginer la longue liste de sanctions économiques imposées par l'Occident à la Russie, l'économie n'est pas au point mort. Le Kremlin promet même une croissance du PIB de l'ordre de 2,6% sur l'année.
Le quartier des affaires flambant neuf de la capitale - une sorte de City moscovite - continue d'être arpenté par des cols blancs. Un poumon économique hyper moderne, bien loin du front, pourtant frappé par un drone kamikaze le 30 juillet 2023 en plein milieu de la nuit.
L'un de ces cadres en costume a accepté de témoigner, avec quelques réserves. "À cause (des propos d'Emmanuel Macron), rien que d'être en train de discuter avec vous pourrait m'être reproché", explique Alexeï, un jeune travaillant dans la finance.
"La Russie est une place financière très importante (...) Vous les Occidentaux avez une vision biaisée et pervertie de la Russie. Vous nous voyez encore à l'époque soviétique avec ces immeubles effrayants, des tanks dans les rues. Ça n'a plus rien à voir avec ça", insiste-t-il.
Alexeï semble particulièrement agacé par les déclarations du président français. "Mes associés n'aiment pas les Français à cause de Macron, à cause de ce qu'ils ont entendu à la TV", notamment sur le possible envoi de troupes françaises en Ukraine. Il redoute d'ailleurs lui-même l'hypothèse d'une mobilisation au front si la France envoyait ses troupes en soutien à Kiev.
Les esprits restent marqués par la mobilisation à la hâte de 300.000 hommes après l'échec de la guerre éclair en 2022. En quelques jours, au moins 700.000 Russes ont quitté leur pays pour éviter d'être enrôlés de force.
"Sans Wladimir Poutine, la Russie n'existerait plus depuis longtemps"
L'une des idées revenant dans la bouche des citoyens russes: la volonté déguisée qu'auraient les Occidentaux de mettre fin à la Russie telle qu'elle existe, plutôt que de vouloir la paix en Ukraine.
Cette idée est poussée directement par le locataire du Kremlin dans des messages diffusés à la télévision. "Les élites occidentales ne cachent pas leur objectif d'infliger comme elles le disent: 'une défaite stratégique à la Russie'. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire: nous faire disparaître une bonne fois pour toutes."
Cette idée s'inscrit profondément, comme chez Oxanna, dont le fils s'est volontairement engagé au début de la guerre pour combattre en Ukraine. Un mois après, il perdit la vie sur le front, le 12 mars 2022.
"Pour moi, c'est le meilleur leader. Sans Vladimir Poutine, la Russie n'existerait plus depuis longtemps et je ne le considère pas responsable de la mort de mon fils", appuie la mère endeuillée.
Après la mort de son fils soldat, Oxanna a perçu un dédommagement d'un équivalent de 50.000 euros. Avec la première moitié, elle a fait le choix de financer une association d'aide aux soldats dont elle fait partie. Avec l'autre, elle s'est offerte une voiture chinoise, sur laquelle elle affiche son soutien de la guerre en cours.
L'ancien dealer se battant "pour l'ordre moral"
Le fils d'Oxanna a péri sur le front aux côtés de Boris, un autre soldat. Lui est aujourd'hui blessé. Ses premières motivations, un combat "pour l'ordre moral" en Russie. "Nous on est contre la destruction des valeurs familiales, contre la décadence, contre le mariage homosexuel", porte haut Boris.
Mais d'autres motivations l'ont poussées à suivre la guerre de Vladimir Poutine. Elles sont moins philosophiques. En 2017, celui-ci a été condamné à 12 ans de prison pour trafic de stupéfiants. Mais au début de la guerre, dans une vidéo devenue célèbre, Wagner et son patron décédé Evguéni Prigojine sont venus faire une offre aux forçats. Rester en prison ou s'enrôler dans la milice.
"Quand Wagner est arrivé, ils nous ont dit: 'les gars, on a besoin de ceux qui sont prêts à mourir. Si vous n'êtes pas prêts à mourir pour la patrie, alors, vous n'avez rien à faire là-bas'", se souvient-il. "Vous avez cinq minutes pour prendre une décision, après, il sera trop tard", avait lancé Prigojine devant une caméra.
Boris a depuis une vision particulière de ce conflit qu'il a vu deux fois, après deux allers-retours pour des blessures incapacitantes. Plus qu'un conflit entre la Russie et l'Ukraine, il pense participer à "la 3ème Guerre Mondiale", où "l'Ukraine n'est qu'un ring de boxe pour l'Otan et la Russie". Il se réjouit d'y prendre part pour l'équivalent de 4x le SMIC.
Des gens opposés à la guerre en Russie? "Ça n'existe pas"
La guerre trouve des soutiens même chez des personnes insoupçonnées. BFMTV a rencontré Viktoria dans la campagne à 70km de Moscou, dans une zone enneigée surnommée "la Suisse de Russie". Là-bas, Viktoria soutient à sa manière l'effort de guerre. Elle a pourtant grandi dans le Donbass ukrainien, avant de passer les 30 années suivantes de sa vie en Russie.
Ses avis sur cette guerre sont très arrêtés. Des gens en Russie qui ne soutiennent pas "l'opération spéciale"? "Ça n'existe pas", affirme-t-elle avec conviction.
Le cas de Wagner? "Ce sont nos troupes, ils se battent pour la Russie". Une seule question semble la mettre dans l'embarras... Celle de l'ancien président et candidat à une réelection aux États-Unis, Donald Trump. Ami ou ennemi? "On verra", hésite Viktoria, qui refuse de parler de "politique".
Les citoyens russes sont-ils sont unanimes sur cette guerre? Certains étaient encore présents ces derniers jours sur la tombe de l'opposant Alexeï Navalny, émus par son sort et résolus à poursuivre l'opposition. Certains acceptent même de s'exprimer devant une caméra. En dépit des risques.
"En immersion avec les partisans de Poutine", un grand reportage "Ligne rouge". Un document signé Jérémy Normand, Etienne Grelet et Alexandre Funel. Article Tom Kerkour.