Mort de Steve à Nantes: le commissaire Chassaing jugé pour "homicide involontaire"
Le commissaire Chassaing a-t-il manqué de discernement dans la nuit du 21 au 22 juin 2019 lorsqu'il a lancé une opération pour mettre fin à un sound systems sur les quais de la Loire à Nantes? L'opération avait conduit à la mort de Steve Maia Caniço, jeune participant, qui était tombé dans le fleuve.
C'est la question que devra trancher le tribunal correctionnel de Nantes qui juge à partir de ce lundi, et pendant cinq jours, le fonctionnaire de police. Grégoire Chassaing est jugé pour "homicide involontaire". Ce soir-là, il était en charge des effectifs mobilisés pour sécuriser ces différentes scènes installées traditionnellement quai Wilson pour la Fête de la Musique. Des sound systems tolérés jusqu'à 4 heures du matin.
Une chute dans la Loire
Cette nuit-là, les policiers font éteindre peu à peu ces scènes. Arrivés sur le dernier mur du son, les organisateurs refusent et diffusent un nouveau morceau de musique. Des participants s'en prennent alors aux policiers, lançant divers projectiles. Les forces de l'ordre répliquent par des jets de grenades.
"Au cours de la soirée, plusieurs personnes tombaient dans la Loire, depuis le quai", détaille le parquet de Nantes dans un dossier de presse.
Steve Maia Caniço, un animateur periscolaire de 24 ans, est alors porté disparu. Après plusieurs semaines de mobilisation de ses proches pour le retrouver, son corps est repêché le 29 juillet dans un état de décomposition extrême. L'enquête permettra d'établir que le jeune homme a chuté dans le fleuve à 4h33 à un endroit où le quai ne disposait pas de barrières.
À cette heure-ci, l'intervention des forces de l'ordre a débuté deux minutes plus tôt. L'opération était-elle disproportionnée au vu du nombre de participants et du nombre de personnes sur ce quai non sécurisé? Les témoignages des teufers font état d'une pluie de gaz lacrymogène, étouffant l'atmosphère, empêchant de voir.
Opération "brouillonne"
"Pour la famille de Steve Maia Caniço, ça a toujours été clair que le responsable, et celui qui, j'espère, sera déclaré coupable, c'est Grégoire Chassaing en sa qualité de responsable du commandement de cette opération", estime Cécile De Oliveira, avocate des parties civiles.
Selon elle, il aurait "sans sommation et de manière disproportionnée", laissé ses effectifs "utiliser des grenades lacrymogènes en très grand nombre à proximité de la Loire, alors que le quai n'est pas protégé par des barrières et que du vent souffle cette nuit-là vers la Loire".
La mort de Steve Maia Caniço avait suscité un vif émoi, l'affaire remontant jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. Au total, 14 personnes étaient tyombées dans la Loire. Un rapport de l'IGPN, la police des polices, avait relevé une opération "brouillonne", établissant "un lien non exclusif peut être établi entre l’intervention de police et certaines chutes dans la Loire".
Pour le parquet de Rennes, qui avait requis un procès pour "homicide involontaire" du commissaire Grégoire Chassaing, qui dirigeait les opérations cette nuit-là, "l'intervention des forces de l'ordre (...) n’apparaît pas susceptible de constituer une faute de nature à caractériser une responsabilité pénale, il n'en demeure pas moins qu'elle s'inscrit dans la liste des évènements ayant conduit au décès de Steve Maia Caniço".
Un SMS énigmatique
La défense de Grégoire Chassaing va elle plaider la chute accidentelle dans la Loire, sans aucun lien avec les tirs de gaz lacrymogènes par les policiers, sachant qu'à 3H12 Steve a envoyé un SMS à un ami indiquant "je suis trop fatigué j'ai besoin d'aide".
"Un témoin le voit chuter à peu près au même endroit où il dormait, à un mètre du bord", a expliqué Me Louis Cailliez, avocat du fonctionnaire, lors d'une conférence de presse à Paris avant le procès.
Le prévenu, récemment muté comme chef de circonscription à Lyon, encourt une peine de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Le jugement sera mis en délibéré à l'issue du procès. Les autres personnes ou personnes morales qui ont été mises en examen ou placées sous le statut de témoin assisté dans cette affaire, dont le préfet Claude d'Harcourt ou la maire socialiste de Nantes Johanna Rolland, ont toutes bénéficié d'un non-lieu.