Mort de l'artiste Ben: cahiers, trousses... Comment ses mots en noir et blanc ont investi nos rayons papeterie
"Je signe donc je suis", "tout n'est pas blanc ou noir", "un jour après l'autre"... L'artiste Ben, popularisé par ses célèbres inscriptions en blanc sur fond noir apposées sur toute sorte d'objets, a été retrouvé mort dans sa maison de Nice ce mercredi 5 juin. Il avait 88 ans.
C'est grâce à ces maximes courtes et poétiques, écrites sur des tableaux exposés dans les plus grands musées du monde mais aussi sur des trousses, cahiers ou stylos dans nos rayons papeterie que Benjamin Vautier a gagné en popularité à la fin des années 1960.
"J'avais envie de communiquer"
D'origine suisse, Ben est né à Naples en 1935, a vécu enfant à Izmir, en Turquie, et Alexandrie, en Égypte, avant d'arriver à 14 ans à Nice où il vivait encore actuellement. Autodidacte, l'artiste débute ses premières créations au milieu des années 50 et côtoie de nombreux membres de la scène artistique niçoise tels que Yves Klein, Arman, ou Martial Raysse.
S'il se contente au départ d'imiter ce qu'il se fait à l'époque, à l'instar du Nouveau Réalisme, Ben souhaite développer son propre style. Alors disquaire à Nice, il imagine ses premières écritures qu'il expose dans son "magasin", œuvre d'art à part entière achetée par le Centre Pompidou en 1977.
"J'avais envie de communiquer, mais je ne sais pas dessiner ce que je sens en revanche, je peux écrire des mots qui le disent", confiait Ben au micro d'Europe 1 en 2016.
Figure du Fluxus
Courtes, percutantes, provocatrices et drôles, les phrases de Ben se multiplient: "Il faut manger. Il faut dormir", "Tous ego", "J'écris donc je suis", "C'est quoi l'idée?", "Écrire c'est peindre des mots"...
Au départ, l'artiste fait appel à des peintres en lettres pour réaliser ses œuvres "puis j'ai trouvé que c'était trop cher. Donc je me suis dit que j'allais écrire de façon lisible pour que tout le monde puisse le comprendre", expliquait-il à Europe 1.
Il met alors au point une écriture, presque enfantine, en lettres attachées minuscules, qu'il appose sur des tableaux. Avec son graphisme si spécifique, l'écriture de Ben va lui permettre de gagner en renommée jusqu'à devenir l'une des figures du Fluxus en Europe.
Ce mouvement artistique né à New York s'attache au caractère événementiel et éphémère de l'œuvre, à l'abolition du rapport spectateur-créateur et à un humour qui se veut destructeur des valeurs esthétiques.
Collaboration avec Quo Vadis
Dans les années 90, Benjamin Vautier va également s'associer avec la marque de papeterie Quo Vadis et signer de ses célèbres maximes des stylos, carnets, classeurs, besaces, trousses et autres fournitures de bureau.
Cette collaboration va offrir à l'artiste un fort succès auprès d'un public varié de collégiens, lycéens, étudiants et adultes mais surtout lui assurer une stabilité financière pour pouvoir se consacrer à d'autres projets.
"Cette collaboration a non seulement popularisé son travail mais lui a donné les moyens de mener ses recherches artistiques", précisait sa fille Eva dans une interview au Journal du Dimanche en 2020.
Si l'écriture de Ben est désormais reconnue de tous, cette popularité représentait toutefois un certain inconvénient pour l'artiste. Car selon lui, en focalisant sur le style de ses lettres, les gens passent à côté du sens délivré par le mot. Il confiait ainsi dans les colonnes du JDD en 2020, trouver dommage d'être reconnu "à son écriture", lui qui voulait "être connu pour le sens de ce qu'il écrit."