Mort d’Émile: deux mois après la découverte des ossements, l’insoutenable attente du Haut-Vernet
Deux mois, et toujours rien de connu. Du moins, officiellement. "Des expertises approfondies sont toujours en cours. Elles ne justifient pas pour l’instant une communication" indique ce vendredi après-midi Jean-Luc Blachon, le procureur d’Aix-en-Provence.
Le samedi 30 mars 2024, le crâne du petit Émile était retrouvé par une promeneuse dans une forêt située non loin du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence), hameau dans lequel l’enfant de deux ans et demi s’était volatilisé neuf mois auparavant.
Quelques jours plus tard, des vêtements et d’autres ossements étaient retrouvés par les enquêteurs et transportés vers l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale (IRCGN) situé à Pontoise, dans le Val-d'Oise, pour être analysés.
Depuis? Plus rien. Et l’attente paraît interminable pour les proches du petit garçon comme pour les habitants du Vernet laissés dans l’expectative. Ils sont en tout cas peu nombreux à croire en la thèse d’un accident qui aurait vu l’enfant échapper à la vigilance de ses grands-parents le 8 juillet 2023, avant de se perdre seul dans la nature.
"Pourquoi les habitants ne veulent pas y croire?"
Les villageois sollicités par téléphone pensent tous qu’Émile a été victime d’un homicide involontaire ou pire, d’un crime. Avec l’accident en étant seul en cause, ce sont les deux autres hypothèses toujours étudiées par les enquêteurs.
"Un gamin de 10 ans ne pourrait pas y être allé. Alors lui… Avec les herbes hautes et la distance, il aurait fait demi-tour. Non, c’est impossible qu’il s’y soit rendu", témoigne un habitant connaissant très bien l’endroit où les ossements d’Émile ont été retrouvés.
Il s’agit d’une zone que les Vernetois appellent "les quatre chemins", sorte de patte d’oie menant à divers quartiers comme Ville-Vieille et les Auches mais aussi vers le col du Labouret. Un lieu situé à deux kilomètres du hameau, soit à 25 minutes de marche.
Un autre fin connaisseur du site poursuit: "C’est trop loin et il y a des genêts. C’est un coin de chasse et les chiens auraient marqué durant la saison, c’est obligatoire." Pourtant, la piste accidentelle est toujours prise très au sérieux par les enquêteurs. "Pourquoi les habitants ne veulent-ils pas y croire? Ils n’ont jamais eu d’enfant?", se demande une gendarme des Alpes-de-Haute-Provence qui a travaillé sur la disparition d’Émile durant quelques semaines avant de décrocher.
"Bien sûr que ça marche un enfant, et que ça se perd", poursuit-elle. Un militaire gradé va plus loin. "Il va falloir que les gens se préparent à accepter que c’était très certainement un accident sans l’intervention d’un tiers. Rien pour l’heure ne vient indiquer le contraire en tout cas", avance-t-il auprès de BFM DICI.
Les chiens et les bénévoles mobilisés durant les nombreuses battues sur le site auraient-ils pu passer à côté du corps de l’enfant? "Cela peut paraître inimaginable mais oui, c’est parfaitement possible", souffle une source qui suit l’affaire.
Une nouvelle feuille de route fixée par les enquêteurs
Concernant les expertises, les enquêteurs sont encore en attente de résultats, a appris BFM DICI. Et ce, même si ce qui était urgent et important a été fait en priorité par l’IRCGN. Aucun détail ne sera donné mais ces premiers résultats permettent aux enquêteurs d’avancer.
Toutes les analyses entreprises ne mettent pas le même temps à être effectuées et les autres travaux scientifiques délivreront leur verdict prochainement. Ce qui semble certain, c’est que les enquêteurs de la Section de Recherches (SR) de Marseille orienteront leur travail à la suite d’une analyse globale des ossements et vêtements retrouvés.
Si le délai peut sembler long, il s’avère qu’il n’y a rien d’anormal dans la durée des investigations puisque les analyses pratiquées sont parfois d’une grande complexité. Comme l’étude sur la terre retrouvée sur les vêtements de l’enfant.
"Cette terre est mise en culture. Comme d’autres échantillons de terre sur le site où la découverte a eu lieu. Ensuite, les scientifiques attendent et comparent. Si des animaux ou des bactéries apparaissent d’un côté et pas de l’autre, cela peut signifier que les ossements ou les vêtements ont été déplacés. C’est donc très long, au moins quatre mois", explique une source habituée aux travaux en laboratoire.
L'acte de décès toujours en attente d'être rédigé et signé
Lorsque tous les résultats seront connus, la "cellule Émile", toujours composée de 15 enquêteurs à temps complet, établira une nouvelle feuille de route. Sous quel délai? "Tant que les conclusions ne sont pas données, les enquêteurs continuent sans se limiter en moyens. L’objectif est toujours d’avoir une réponse", assure un militaire qui suit ces évolutions.
Une fois les analyses terminées, le corps et les vêtements de l’enfant pourront être rendus à ses proches. L’acte de décès pourra aussi être signé, ce qui n’était pas encore le cas en ce début de semaine. Seul le maire de la commune où Émile est mort peut le faire et François Balique, le maire du Vernet, n’a pas encore reçu l’ordre pour la rédaction de cet acte. Ensuite, un permis d’inhumer sera délivré par les magistrats.
"L’acte de décès ne rendra pas le corps aux proches et il n’y a que les magistrats de l’instruction qui pourront délivrer le permis d’inhumer. Les enquêteurs cherchent certainement à préciser la période du décès pour fixer le plus rigoureusement possible un acte de décès. C’est long et triste mais le temps de la Justice n’est pas celui de la famille", détaille une magistrate de premier plan.
Un premier anniversaire redouté
Contacté, François Balique ne souhaite plus s’exprimer pour l’instant. Même s’il reconnaît, lui aussi, "trouver le temps long". Le maire était présent mi-mai à la traditionnelle Saint-Pancrace, célébrée au moment de la Pentecôte au hameau du Haut-Vernet.
Comme chaque année, le vieux four banal a été rallumé pour faire cuire le pain. Le repas a eu lieu sous le préau, juste en face de la maison des grands-parents d’Émile qui n’étaient pas présents. Les anciens du village, eux, y étaient.
Ils ont parlé du temps, du pays ou de la Politique Agricole Commune (PAC) à l’approche des élections européennes. Mais pas de l’affaire. Dans un mois tout juste, ils n’auront pas d’autre choix que de s’y replonger.
Le lundi 8 juillet 2024 marquera le premier anniversaire de la disparition d’Émile. Les proches de l’enfant, le maire du Vernet et ses administrés savent que la pression médiatique sera de nouveau très forte à ce moment-là. Et cela peu importe les avancées de l’enquête.