Disparition de Lina: 10 jours après, comment les investigations se mettent en place sur le long terme
Un appel à témoins lancé dès le 23 septembre, des battues citoyennes organisées, des ratissages à l'aide d'hélicoptère, de drones et d'équipes cinophiles... D'importants moyens ont déjà été déployés dans les jours qui ont suivi la disparition de Lina, une adolescente de 15 ans qui n'a pas donné signe de vie depuis le 23 septembre dernier à La Plaine (Bas-Rhin).
Plus de 10 jours après sa disparition, le temps long des investigations est sur le point de se mettre en place pour les enquêteurs.
Deux juges d'instruction chargés des investigations
Dimanche, au terme du délai légal des sept jours de l'enquête de flagrance pour cette disparition qualifiée d'inquiétante, les investigations sont passées automatiquement dans un autre cadre, celui de l'information judiciaire ouverte contre X pour "enlèvement et séquestration non suivie d'une libération volontaire avant le septième jour".
"En raison de la complexité de l'affaire", notent les procureures de Saverne et Strasbourg dans un communiqué, ce sont désormais deux juges d'instruction qui seront en charge des investigations. Si la disparition volontaire n'est pas exclue, cette piste se rétrécit pour prendre un tournant criminel.
"Ce changement de cadre procédural marque une nouvelle phase de l'enquête qui s'oriente vers des investigations de longue haleine", prévient Yolande Renzi, la procureure de la République de Strasbourg, désormais compétente dans cette affaire après le dessaisissement à son profit de la procureure de Saverne.
Avec ce choix de qualification d'infraction, les deux magistrats "ne vont pas être limités dans les moyens et dans le temps, cela leur permet d’aller plus loin, avec les commissions rogatoires", note Me Olivier Pardo, avocat pénaliste au barreau de Paris et ancien juge d'instruction. "L'information judiciaire permet d’élargir le champ des investigations, y compris à l’étranger et ce ne serait pas inutile", abonde Jean-Pierre Colombies, ancien policier de la Police judiciaire, alors qu'aucune piste n'est privilégiée ou écartée.
L'enquête judiciaire menée par les gendarmes
Lina, 15 ans, a disparu samedi 23 septembre dans la vallée de Bruche, dans le Bas-Rhin. Elle a quitté son domicile à Plaine, vers 11h15, pour se rendre à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, à trois kilomètres. Elle devait prendre le train en direction de Strasbourg, afin de rejoindre son petit ami. Ne la voyant pas arriver ce dernier a donné l'alerte à la famille. La gendarmerie a alors lancé un appel à témoins.
"Quand une personne est portée disparue, vous avez un espoir très élevé de la retrouver en vie dans un périmètre donné, vous n’allez pas commencer par fouiller les étangs, car cela signifie que vous recherchez un corps", note Guillaume Farde, consultant police-justice de BFMTV. "Quand vous recherchez une personne en vie, vous n’allez pas tout de suite mettre tout le monde sous écoute."
Depuis les premières heures de l'enquête, les gendarmes travaillent sur trois hypothèses, celle de l'accident sur la route la menant à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, celle de la fugue et celle de l'intervention d'une tierce personne. La première piste a été examinée à l'aune des recherches menées dans ce secteur isolé. "L’opération de recherche, vous partez de l’hypothèse que vous recherchez quelqu’un qui est en vie et quelqu’un que vous pouvez retrouver vite si vous concentrez beaucoup de monde dans un périmètre bien circonscrit", précise Guillaume Farde.
"Si ça ne donne rien, vous faites différemment, vous faites l’enquête judiciaire plus classique à partir de témoignages, d’indices, vous essayez de faire parler des indices, le terrain, poursuit le spécialiste. C’est comme ça qu’on travaille quand le ratissage ne donne rien. C’est un temps plus long."
Des témoignages pour orienter les recherches
Depuis, deux témoignages sont venus orienter le travail des enquêteurs. Beaucoup de personnes ont répondu à l'appel à témoins lancé par les autorités. "Deux témoins ont vu Lina sur le trajet de la gare entre 11h15 et 11h30 (samedi 23 septembre, NDLR)", a indiqué la procureure de Saverne. Un témoin évoque la présence d'un homme dans une voiture grise, quelques jours avant la disparition de Lina, qui aurait tenté d'approcher sa fille âgée de 14 ans. "Je l'ai vue passer, là, dans une voiture bleue", a témoigné un autre homme auprès de différents médias.
"Elle avait l'air normale, elle n'avait pas l'air soucieuse ou quoi, poursuit-il, ajoutant qu'elle lui avait fait un coucou. Selon lui, c'est un homme qui conduisait le véhicule qui a pris la direction opposée à celle de la gare.
Le premier travail des enquêteurs est de désormais "retravailler" ces témoignages, et trouver d'autres personnes qui pourraient corroborer ces descriptions d'autant que dans cette zone rurale il n'y a peu ou pas de vidéosurveillance. "J’ai toujours tendance à me méfier de tous les témoignages tant qu’ils n’ont pas été recoupés, note Jean-Pierre Colombies. Quand vous avez une affaire qui prend une telle ampleur, vous avez envie parfois de voir quelque chose, ce désir, qui part d’une bonne intention, peut provoquer une sorte de spontanéité de témoignages."
"Il n’y a rien d‘anodin dans les renseignements et découverte d’indices, il ne faut rien négliger", approuve Philippe Zdankiewicz, enquêteur bénévole à l’ARPD (Assistance et recherche de Personnes disparues) et ancien gendarme.
Un travail plus lent
Depuis vendredi, une dizaine de voitures de Clio bleue ou grise ont été contrôlées par les enquêteurs. Les enquêteurs se sont intéressés à une voiture garée devant une habitation. Des relevés d’ADN y ont été réalisés. Les techniciens de l'Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale ont également procédé à l'examen minutieux de la maison d'un propriétaire du véhicule signalé par les témoins à Diespach. A ce stade, ce dernier, qui a été interrogé, n'est pas considéré comme un suspect.
"À chaque fois, c’est lent, note Guillaume Farde. Ca progresse mais c’est lent."
Désormais, les enquêteurs procèdent, selon l'expression consacrée, en fermant des portes. Des groupes de gendarmes sont constitués pour travailler sur l'entourage de la jeune adolescente, sur les écoutes ou encore pour éplucher le fichier des délinquants sexuels.