BFMTV
Politique

Législatives anticipées: pourquoi Emmanuel Macron a voulu des élections aussi rapidement

L’hémicycle de l'Assemblée nationale le 28 juin 2022. (Photo d'archive)

L’hémicycle de l'Assemblée nationale le 28 juin 2022. (Photo d'archive) - Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Le président de la République a surpris ce dimanche en annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale et la tenue de législatives anticipées dès les 30 juin et 7 juillet prochains.

Une campagne menée au pas de charge pour des élections déjà à l'horizon. Après la dissolution annoncée par Emmanuel Macron ce dimanche 9 juin, les différents partis doivent immédiatement se mettre en ordre de bataille en vue du premier tour du scrutin qui aura lieu à la fin du mois, le 30 juin. Le second tour se tiendra dès le dimanche suivant, le 7 juillet.

Trois petites semaines entre l'annonce d'une dissolution de l'Assemblée nationale et des élections législatives, ce n'est pas un délai inédit. Quelques jours après sa réélection comme président, et après deux années de cohabitation avec la droite, François Mitterrand avait choisi de rebattre les cartes de la Chambre basse le 14 mai 1988. Le premier tour des législatives avait été organisé 22 jours plus tard, le 5 juin 1988.

Pour les précédentes législatives anticipées, une trentaine de jours s'étaient écoulés entre le fameux "J'ai décidé de dissoudre l'Assemblée nationale" de Jacques Chirac, prononcé le 21 avril 1997, et le premier tour des législatives, le 25 mai suivant.

Le risque de l'abstention

Ces deux exemples prouvent qu'il y a une latitude offerte pour l'organisation d'élections législatives post-dissolution, mais celle-ci reste limitée par l'article 12 de la Constitution.

Il stipule que "les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution".

D'un point de vue arithmétique, il aurait été théoriquement possible de décaler d'une semaine les deux tours des législatives. Mais plusieurs problèmes se seraient alors présentés. D'abord, le fait que le dimanche suivant tombe un 14 juillet, jour férié et de fête nationale. Et "en décalant trop le scrutin au coeur de l'été et des vacances scolaires, le risque d'une abstention élevée augmente", souligne Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au CERSA (Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques) interrogé par BFMTV.com.

Un autre événement d'envergure limitait les possibilités et incitait le chef de l'État à presser le cours des choses: les Jeux olympiques, dont le coup d'envoi sera officiellement donné le 26 juillet. "Ils compliquent la tâche des préfectures et des municipalités, chargées de l'organisation des élections. Elles vont être déjà très sollicitées dans le cadre du maintien de l'ordre public, en particulier dans la région Île-de-France", remarque Olivier Rouquan.

Pour Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l'université de Rouen et à Sciences-Po, la principale question de timing se pose sur le moment choisi par Emmanuel Macron pour annoncer cette dissolution:

"Le président de la République aurait très bien pu annoncer et signer le décret de dissolution à la rentrée parlementaire (après l'été, NDLR), ce qui aurait lancé un compte à rebours de 20 à 40 jours sur des dimanches plus disponibles", souligne-t-elle auprès de BFMTV.com

"Créer une forme d'urgence"

En dissolvant l'Assemblée nationale immédiatement après les résultats des européennes, Emmanuel Macron "accélère et dramatise les événements", et présente presque le scrutin à venir "comme un référendum pour ou contre le RN, estime Olivier Rouquan.

Il décèle également dans cette dissolution express une volonté de "passer à autre chose": "Il sature, par un nouvel événement, un événement qui n'est pas forcément très plaisant à commenter et à gérer", à savoir le score très faible obtenu aux européennes par la liste menée par Valérie Hayer et le score historique obtenu par le Rassemblement national.

Il s'agit aussi pour le chef de l'État de "prendre de cours les formations d'opposition", notamment à gauche, où la question de l'unité, des socialistes aux insoumis, va être l'un des principaux enjeux des jours à venir, note Anne-Charlène Bezzina.

Et en "créant une forme d'urgence", Emmanuel Macron pourrait avoir un précédent en tête, celui de 1968 et de la dissolution de l'Assemblée nationale voulue par le général de Gaulle après les événements du mois de mai. "Il avait fait le pari que les gens allaient choisir l'ordre et sa majorité était sortie renforcée de ces législatives anticipées", rappelle Anne-Charlène Bezzina.

A contrario, ces législatives anticipées pourraient voir le camp présidentiel essuyer un autre revers avec une Assemblée dominée par le Rassemblement national ou encore plus fragmentée qu'aujourd'hui, sans aucune majorité claire. Emmanuel Macron en sortirait affaibli, mais il n'aurait plus la possibilité de brusquer à nouveau le fil des événements au Palais-Bourbon avant juin 2025. Car, comme le stipule toujours l'article 12, "il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit" ces législatives anticipées.

Vincent Gautier