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Le parcours criminel de Mohamed Amra, du braquage de commerces à son évasion mortelle

Deux agents de l'administration pénitentiaire ont été tués et trois ont été blessés grièvement au péage d'Incarville, dans l'Eure, lors de l'attaque de leurs fourgons qui transportaient entre Evreux et Rouen un détenu, Mohamed Amra. Ce dernier est toujours recherché.

Deux agents sont morts dans l’attaque d’un fourgon pénitentiaire par un commando cagoulé et lourdement armé, ce mardi 14 mai au niveau du péage d’Incarville (Eure). Les assaillants et le détenu, qui était transporté dans le véhicule, ont pris la fuite après l’attaque. Une chasse à l’homme est en cours. Elle porte un nom: Mohamed Amra. Depuis plus de 24 heures, il est le fugitif le plus recherché de France.

Du haut de ses 30 ans, Mohamed Amra est bien connu des services de police et de justice. Né à Rouen, l'homme est abonné à la case prison. Il a déjà été incarcéré aux Beaumettes à Marseille et à la prison de la Santé à Paris. Jusqu’à mardi, il était détenu à la maison d’arrêt d’Évreux. 13 condamnations figurent à son casier judiciaire. La première tombe en 2009 pour vol en réunion. Mohamed Amra est alors âgé de 15 ans.

Une première condamnation en 2009

Le trentenaire, scolarisé jusqu'en 3e au collège Jean Lecanuet à Rouen, est un multirécidiviste, mais son avocat assure sur BFMTV n’avoir jamais décelé chez lui un profil dangereux. "Son casier judiciaire, c’était jusqu’à présent essentiellement des vols et des problèmes de conduite donc rien qui n'attire particulièrement l’attention", souligne Me Hugues Vigier. 13 condamnations, "ça paraît très significatif, mais pour qui a l’habitude, ce n’est pas un profil singulier", poursuit l’avocat.

Depuis sa première condamnation en 2009, le trentenaire multiplie les passages devant les tribunaux correctionnels pour une dizaine de faits mineurs, selon les informations de BFMTV. En 2013, il est condamné pour conduite sans permis à deux reprises ainsi que pour recel de vol. En 2014, le tribunal le condamne à deux ans de prison, dont 16 mois avec sursis pour tentative de vol avec effraction. En 2015, il écope d’une peine de six mois de prison pour outrages et refus d’obtempérer. La même année, il prend trois mois de prison pour remise d’objets à un détenu. Un refus d’obtempérer et des vols par ruse figurent aussi à son casier.

Mohamed Amra "était détenu depuis le 7 janvier 2022 pour différents cadres procéduraux", a indiqué la procureure de la République de Paris au cours d’une conférence de presse. La première était une exécution de peine: trois mois de prison ferme pour un rodéo motorisé.

Mardi dernier, Mohamed Amra a été condamné à 18 mois de prison ferme par le tribunal judiciaire d'Évreux pour des vols aggravés commis dans certains commerces et supermarchés de la banlieue d’Évreux entre août et octobre 2019. Poursuivi pour sept faits, il a été relaxé sur quatre.

Ce mardi 14 mai, une escorte de niveau 3 a pourtant accompagné le transfert de Mohamed Amra jusqu’au tribunal correctionnel de Rouen. Une extraction spécifique et encadrée pour le trentenaire qui n'était pas inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS). Si les condamnations inscrites au casier judiciaire de Mohamed Amra sont peu conséquentes, le fugitif est à l’instruction pour des dossiers beaucoup lourds que des vols, conduite sans permis et ou refus d'obtempérer.

Mis en examen dans deux dossiers

Quelques heures avant la terrible attaque, il était entendu par le juge d’instruction sur un dossier de tentative d'extorsion avec arme, tentative d’assassinat et détention d’arme de catégorie B dans lequel il est mis en examen depuis le 26 janvier 2022, a rapporté la procureure de la République de Paris. Mohamed Amra est soupçonné d’avoir tiré sur le domicile de la victime de l’extorsion de fonds à Saint-Etienne-du-Rouvray en octobre 2021.

Depuis le 26 septembre 2023, le trentenaire est aussi mis en examen dans un dossier d’instruction à Marseille pour complicité de meurtre avec préméditation en bande organisée, complicité d’enlèvement et séquestration d’otage pour obtenir l’exécution d’une condition, complicité de destruction par moyens dangereux en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission d’un crime à Aubagne.

Un dossier de trafic de stupéfiants, a appris BFMTV d’une source proche de l’enquête. Mohamed Amra est surnommé "La Mouche" dans le milieu du trafic de stupéfiants. Son casier judiciaire ne porte néanmoins mention d’aucune condamnation pour infraction à la législation sur les stupéfiants.

Dimanche, deux jours avant l’attaque du fourgon pénitentiaire, Mohamed Amra avait tenté de s’évader de sa cellule à la maison d’arrêt d’Evreux. "On sait qu’il avait tenté de s’évader, il y a deux ou trois jours, en sciant les barreaux de sa cellule, rapporte Emmanuel Baudin, secrétaire général FO pénitentiaire à BFMTV. Qu’il a été repéré et que les collègues l’ont placé dans un quartier disciplinaire."

Une évasion commanditée depuis sa cellule?

Une question reste en suspens. Mohamed Amra a-t-il commandité son évasion mortelle depuis sa cellule. Interrogé sur la possibilité que son client soit informé de l’action, Me Hugues Vivier explique "qu’il arrive que les gens concernés ne soient pas prévenus pour que par leur comportement, leur attitude, ils ne manifestent rien qui puisse alerter".

Une autre possibilité n’est pas à exclure selon l’avocat. Celle "qu’on soit venu le chercher non pas pour le libérer, mais pour l’avoir à disposition et peut-être pour lui faire payer ce qu’on suppose qu’il a lui-même commis".

Cette opération "ne correspond pas au profil que j'avais perçu de lui" poursuit le conseil. "S'il est impliqué, c'est que véritablement je m'étais trompé sur son fonctionnement et ce dont il était capable" a ajouté Me Hugues Vigier habitué des dossiers de crime organisé.

Stéphane Sellami et Charlotte Lesage