"Kanak", "Caldoche"... Qui sont les différentes communautés présentes en Nouvelle-Calédonie?
En visite en Nouvelle-Calédonie ce jeudi 23 mai, le président de la République Emmanuel Macron s'est entretenu avec les composantes loyalistes et indépendantistes de l'île. L'occasion pour le chef de l'État d'échanger avec les personnalités politiques et économiques de l'archipel après plusieurs jours d'émeutes qui secouent le territoire depuis le 13 mai.
En cause, un projet de loi qui vise à élargir le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie au scrutin provincial. Depuis les accords de Nouméa (1998) et une réforme constitutionnelle (2007), seules les personnes vivant dans l’archipel avant 1998 ont le droit de voter aux élections locales, excluant ainsi les arrivants récents, qui représentent aujourd’hui 20 % de la population.
L'actuel projet de loi vise ainsi à dégeler le corps électoral en y intégrant les citoyens nés sur place ou y résidant depuis au moins dix ans. Une décision vivement remise en cause par le peuple kanak qui craint d'être minoritaire lors des prochaines élections concernant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Au sein de cet archipel, deux communautés principales se distinguent: les "Kanak", la population autochtone de l'île, et les Européens, majoritairement d'origine française. BFMTV fait le point les communautés de cette société multiculturelle.
• Le peuple autochtone Kanak
Descendants des premiers habitants de Nouvelle-Calédonie avant la colonisation française, les Kanak représentent 40% des quelque 270.000 habitants de l'archipel en 2019, indique l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Utilisé à partir du XIXème siècle, le terme "kanak" provient de "kanaka" qui signifie littéralement "homme" en hawaïen, analyse le chercheur en linguistique Patrick Dutard cité par Libération. Il est alors principalement employé de façon péjorative par les colons européens, qui le francise en "Canaque", pour désigner les populations autochtones de Mélanésie. Cet ensemble d'archipels et d'îles du sud-ouest du Pacifique regroupe essentiellement la Nouvelle-Calédonie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Fidji ou encore les îles Salomon.
À partir des années 1970, cette population autochtone se réapproprie finalement ce terme Kanak qui devient un symbole fort de la revendication politique indépendantiste. L'orthographe invariable et définitive "kanak" est officialisée en 1998 dans l'Accord de Nouméa. Selon Mélissa Nayral, anthropologue à l'université Jean-Jaurès de Toulouse, ces années marquent un "tournant politique dans la construction du peuple kanak en tant que tel". Aujourd'hui, marqueur d'une appartenance et d'une identité forte, le terme "kanak" est revendiqué par la population autochtone de Nouvelle-Calédonie.
• Les "Caldoches"
Les "Caldoches", qui représentent l'autre principale communauté de la Nouvelle-Calédonie (environ 24% en 2019 selon l'Insee), sont les descendants des colons européens installés sur l'île au moment de la colonisation. Employé péjorativement par les peuples autochtones, le terme "Caldoche" apparaît au même moment que celui de "Kanak", rapporte une étude publiée par les anthropologues Estelle Laboureur et Benoît Carteron.
Le qualificatif "caldoche" provient de la contraction entre le préfixe "cald-" qui fait référence au nom "Calédonie" et le suffixe péjoratif "-oche". Si ce terme est très répandu dans l'archipel, les membres de la communauté se considèrent davantage comme des Calédoniens à part entière.
S'ils sont majoritairement loyalistes, c'est-à-dire favorables à ce que la Nouvelle-Calédonie demeure française, certains d'entre eux ne sont pas pour autant "anti-indépendantistes", précise Mélissa Nayral.
• "Métros" ou "Zoreills"
Terme péjoratif fréquemment utilisé dans les territoires d'outre-mer, un "zoreill" désigne quant à lui une personne métropolitaine venue vivre dans l'archipel. Plusieurs versions expliqueraient l'origine de ce mot, mais c'est surtout sa connotation un peu péjorative qu'il importe de relever puisqu'il est "souvent associé à l'idée de donner des leçons", analyse l'anthropologue Mélissa Nayral.
À ne pas confondre avec "caldoches", le terme "zoreill" ou "métro", ne fait pas référence aux descendants des colons, mais plutôt aux personnes arrivées récemment de la France métropolitaine pour s'installer en Nouvelle-Calédonie.
• Une société métissée
En parallèle de ces communautés, le métissage est également très présent, puisque 11,3% des habitants déclarent appartenir à plusieurs communautés issues de l'immigration (Wallis, Polynésie Française, etc.), rapporte l'Insee. Une donnée importante pour l'anthropologue Mélissa Nayral, qui rappelle que le contexte social de la Nouvelle-Calédonie ne peut se réduire à une confrontation ethnique binaire.
Dans certaines régions de l'archipel comme les communes de Népoui, Bourail ou encore Pouébo, situées en Province Nord ou à sa limite, ces derniers jours, les distinctions entre les communautés ont pu laisser place à "des grands moments d'échanges et de dialogues", explique Mélissa Nayral. Selon l'anthropologue, "le problème qui touche la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé sur des problématiques d'ordre ethniques (même si les inégalités sociales correspondent pour beaucoup aux identités ethniques), mais est avant tout un problème politique lié au changement de posture de l'État depuis 2021".
À l'issue de sa visite en Nouvelle-Calédonie ce jeudi, le président Emmanuel Macron a promis de ne pas passer "en force" sur la réforme du corps électoral et souhaité un vote des Calédoniens en cas d'accord politique global sur le statut institutionnel de l'île. Si à l'heure actuelle, on ignore les détails sur l'organisation exacte de ce vote, le chef de l'État a également annoncé la mise en place d'une "mission de médiation et de travail" sur l'archipel.