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"Jeu ou socialisation": des scientifiques expliquent pourquoi les orques s'en prennent aux bateaux

Des orques sont photographiées, le 1 juillet 2007, au large de l'archipel des Crozet, dans l'Océan Indien. Photo d'illustration

Des orques sont photographiées, le 1 juillet 2007, au large de l'archipel des Crozet, dans l'Océan Indien. Photo d'illustration - MARCEL MOCHET / AFP

Des orques s'en prennent régulièrement à des bateaux dans le détroit de Gibraltar. Selon des chercheurs, ce comportement de la part des cétacés n'est pas "agressif" et relèverait plutôt d'un "jeu" ou d'un processus de "socialisation".

Le 12 mai dernier, un yatch de 15 mètres de long, avec deux personnes à son bord -qui ont été secourues-, a coulé à proximité du détroit de Gibraltar après une interaction avec un groupe d'orque, rapporte The Guardian. Ces interactions, qui vont du simple encerclement au naufrage, sont loin d'être rares et font l'objet d'une attention particulière de la part des autorités portugaises et espagnoles ou encore de la Commission baleinière internationale (CBI).

Cette commission a d'ailleurs publié un rapport le 24 mai reprenant les travaux d'une trentaine de scientifiques tentant d'expliquer le comportement de ces cétacés. Ces derniers sont formels: "les interactions entre les orques ibériques et les navires ne sont pas agressives". Elles relèveraient en effet davantage d'un "comportement de mode ou de jeu/socialisation" plutôt qu'à une "agression".

En effet, les "orques sont connues pour jouer avec d'autres objets ou animaux dans leur environnement au point de les endommager".

Par exemple, dans le sud de l'État de Washington, ces animaux "jouent" avec des marsouins au point de les tuer sans que ce soit pour se nourrir. Dans le nord-est du Pacifique, d'autres orques avaient pour habitude dans les années 80 de "porter des saumons morts" sur leur tête. Une "tradition" qui a disparu rapidement puis qui est réapparue en 2008 avant de disparaître à nouveau.

Une possible "tradition éphémère"

Les scientifiques observent donc que les orques suivent des "traditions" qu'ils se transmettent entre eux car c'est une espèce "largement déterminée par l'apprentissage social".

Outre leur "tradition comportementale persistante", les orques, curieux, "peuvent également développer des comportements inhabituels et temporaires et d'autres idiosyncrasies (comportement particulier propre à individu, NDLR) qui ne semblent pas avoir d'objectif adaptatif évident", écrivent les scientifiques dans le rapport de leurs travaux publiés en avril dernier et supervisés par Alex Zerbini, le président du comité scientifique de la CBI.

Les interactions entre les orques ibériques et les bateaux dans le détroit de Gibraltar , - qui ont été signalées pour la première fois après le confinement lié à la pandémie de Covid-19 - pourraient donc également relever de ces "traditions éphémères".

Un temps de chasse moins important

Une autre explication est avancée par les experts dans leur rapport: ces cétacés passent moins de temps à chasser qu'auparavant et ont donc plus de temps pour "jouer".

En effet, les 37 orques comptabilisées au large de la péninsule ibérique -une quinzaine serait impliqué dans les interactions avec les bateaux- se nourrissent exclusivement de thon rouge. Une espèce devenue abondante dans cette zone de la Méditerranée. Probablement en raison du changement climatique, ce poisson y est présent de manière conséquente toute l'année et non plus de manière saisonnière.

Résultat, si les orques mettaient environ 30 minutes à chasser le thon rouge, ils mettent désormais 2 à 3 minutes selon des observations plus récentes.

La Commission baleinière internationale admet que ces interactions sont "effrayantes" pour les marins et qu'elles causent d'importants dégâts matériels. Elle recommande donc de trouver des solutions pour éviter ces interactions et de conseiller les marins sur la manière d'agir face à une telle situation, "tout en assurant le bien-être des baleines". Une espèce en danger critique d'extinction selon l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Juliette Brossault