"J'étais triste, terrifié": deux enfants témoignent pour la première fois au procès en appel de l'attentat de Nice
Une occasion de prendre la parole, presque huit ans après les faits. Deux enfants grièvement blessés lors de l'attentat du 14-Juillet 2016 à Nice ont témoigné pour la première fois ce lundi 6 mai lors du procès en appel.
Landy, aujourd'hui âgée de 13 ans, et son frère Teylian, 12 ans, ont lu à la cour un texte qu'ils avaient rédigé pour raconter l'horreur de ce qu'ils ont vécu le soir de l'attaque, où 86 personnes, dont 15 ans, ont été tuées.
"Nous avions passé une très bonne soirée en famille. Et d'un coup, plus rien", a raconté Landy en visioconférence, depuis la salle spécialement aménagée pour les témoignages des enfants au palais de justice de Nice. "Nous avons été percutés par le mouvement de foule et ce gros camion. Le film d'horreur a commencé."
Des peurs et des angoisses
Pendant trente minutes, les deux enfants, âgés de seulement cinq et quatre ans au moment des faits, ont raconté la peur qu'ils ont ressentie ce soir-là. Landy a notamment fait part d'un moment qui l'a particulièrement marquée: celui où leur petit frère de huit mois a été projeté avec la poussette dans laquelle il se trouvait. Pendant plusieurs heures, la famille a recherché l'enfant, qui avait finalement été pris en charge par un couple.
"Les enfants ont été très blessés, mais en plus ils ont constaté la terreur des parents", explique quant à lui Maître Olivier Grebille-Romand, avocat de parties civiles, et notamment de la famille de Landy et Teylian.
Le petit garçon, aujourd'hui adolescent, se souvient avoir été séparé de ses parents blessés le soir du 14-Juillet. Les membres de la famille avaient alors été transportés dans des hôpitaux différents.
"J'étais un enfant perdu. J'étais triste, terrifié, angoissé pour rien", a-t-il raconté à la cour. Aujourd'hui, il souffre encore de troubles du comportement et de la concentration, d'angoisses et d'une peur de l'abandon. Sa sœur fait elle aussi état de sentiments de peurs et d'angoisses.
"C’est des mots d’enfants, mais c’est aussi des mots préparés. On voit bien qu’il ressort ce qu’ils ont ressenti au plus profond d’eux, notamment l’horreur et l’angoisse pendant l’attentat, et les jours et mois qui ont suivi", explique maître Grebille-Romand sur BFM Nice Côte d'Azur.
"Maintenant, on a la force"
En plus de leur texte, les deux enfants ont tenu à présenter à la cour des photos qui témoignent de leurs séquelles physiques et psychiques après l'attentat. S'ils n'avaient pas témoigné lors du procès en première instance, ils ont tenu cette fois-ci à s'exprimer, une étape importante dans leur reconstruction.
"J’ai raconté ce que toute ma famille a vécu et ce que j’ai eu. Au premier procès, on était encore un peu petits, et on n'avait pas encore la force de le faire. Mais maintenant, on a la force, et on l’a fait", déclare Landy à la sortie de l'audience.
"Je trouve que c’est important qu'on entend les enfants parler. Qu’on nous entende parler. Au premier procès, on n’avait pas la force de le faire. Mais là, je trouve que c’est important de le faire maintenant", confirme son frère.
Un avis partagé par Maître Grebille-Romand, qui estime que les deux enfants ont fait preuve d'une "véritable résilience", alors même que ce procès en appel est synonyme d'un nouveau moment douloureux pour les parties civiles.
"Ce deuxième procès, d’appel, leur permet de s’exprimer. Ils ont mûrement réfléchi. Ce qu’ils ont fait, et d’après ce qu’ils ont témoigné à la sortie, ça les a soulagés", affirme-t-il. "C’est intéressant que les gens se remémorent, par des voix d’enfants, ce que les enfants ont pu vivre. Ce n'est pas forcément ce qui modifiera le jugement des magistrats, mais pour les enfants, c'est tellement salvateur, que ça paraissait nécessaire."
Les parents de Landy et Teylian n'ont pas été entendus et ne le seront pas au cours de ce procès en appel. En revanche, d'autres enfants devraient être amenés à prendre la parole dans les prochains jours, toujours par visioconférence depuis la salle du palais de justice.
Les deux seuls des huit accusés à avoir fait appel avaient été condamnés en première instance à 18 ans de réclusion pour participation à une association de malfaiteurs terroristes.
L'auteur de l'attentat qui a fait 86 morts, dont une quinzaine d'enfants, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un chauffeur-livreur tunisien de 31 ans au caractère instable, a été tué par la police le jour de l'attaque.