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Glucksmann, "surprise rose" aux européennes? Comment ses adversaires voient sa percée dans les sondages

Le candidat socio-démocrate sera-t-il la "surprise rose" des Europénnes, comme s'interrogent déjà certains think thanks de gauche? À plus de 12% dans les sondages, Raphaël Glucksmann ne laisse pas indifférent. En particulier chez les Verts et les Insoumis. Face au duel Macron-RN, tout peut toutefois encore arrivé, la campagne n'ayant pas officiellement commencé.

C'est une dynamique dans la course aux européennes qui n'est pas passée inaperçue. À gauche, la liste du Parti socialiste et de Place publique, menée par Raphaël Glucksmann, a enregistré la progression la plus importante, entre mars et avril. Elle s'établit à 12% des intentions de vote exprimées selon le dernier sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche paru le 6 avril, contre 8,5% en mars.

Selon les derniers sondages parus depuis, entre 2 et 5 points seulement le séparent de la liste de la majorité composée de Renaissance, Horizons et Modem. L'étude Toluna-Harris Interactive sortie ce mercredi 17 avril donne l'eurodéputé sortant à 14% des intentions de vote.

Le candidat socialiste prend ainsi la troisième place, derrière le duel devenu habituel entre le parti présidentiel et le Rassemblement national. Une percée remarquée au point que la Fondation Jean Jaurès, un think tank classé à gauche, s’interroge sur une possible “surprise rose” et une éventuelle seconde place dans la course pour Raphaël Glucksmann, devant la liste macroniste, menée par Valérie Hayer.

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Selon une étude du 10 mars réalisée par Ipsos pour cette même fondation, Raphaël Glucksmann peut facilement bénéficier d'un report de voix de gauche et du centre si l'on s'en réfère au premier tour de la présidentielle de 2022.

Ainsi les socialistes qui ont voté Mélenchon en 2022 pour avoir la gauche au second tour peuvent être tentés de retourner à leur famille politique et voter Raphaël Glucksmann aux européennes. Un cinquième de ceux qui ont voté pour le candidat écologiste Yannick Jadot et 10% de ceux qui ont voté Emmanuel Macron au premier tour pourraient également voter pour le candidat PS Place publique le 9 juin, d'après cette étude.

Une telle réserve de voix et la progression de Raphaël Glucksmann dans les sondages ont de quoi inquiéter à gauche. Chez les macronistes, le temps est à l'observation tandis qu'à droite, on se réjouit d'un report de voix qui affaiblirait la liste de la majorité présidentielle.

Un "socialiste et un vert de façade"

À gauche, communistes, écologistes et insoumis stagnent dans les sondages. Dans l'entourage de Marie Toussaint, tête de liste des écologistes aux européennes, on s'inquiète que les socialistes puissent récupérer des voix sensibles à l'écologie. "Il n'a rien de vert", s'agace un cadre de la campagne. "Il a réussi à faire croire qu'il est écolo et social. Lui peut-être, mais on est dans un scrutin proportionnel, on ne vote pas à la belle gueule, on vote pour une liste". Et celle de Raphaël Glucskmann au Parlement européen "n'a rien de vert ni de social", alerte cet interlocuteur.

"Même ma sœur qui n'y connaît rien à la politique sait ce que dit Glucksmann", grince une EELV, bonne connaisseuse du fonctionnement européen. Avant d'ajouter, lapidaire: "C'est facile, il n'a qu'un sujet, les ingérences et l'Ukraine".

"Moi j'aimerais bien entendre Glucksmann sur ses alliés sociodémocrates à Strasbourg", abonde-t-on chez LFI. "Son groupe (l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates, NDLR) aide le parti populaire européen (centre-droit, auquel appartient François-Xavier Bellamy) et Renew (les libéraux, auquel appartient Valérie Hayer)".

Le candidat fondateur de Place Publique "prépare beaucoup de déception: il ne va absolument rien changer en Europe", prévient Matthias Tavel, le directeur de campagne de la tête de liste insoumise, Manon Aubry. Beaucoup à gauche, à l'extrême gauche et chez les Verts, craignent "la forêt des éléphants du PS" derrière "l'arbre Glucksmann", selon les mots de Matthias Tavel.

"Raphaël Glucksmann, c'est la gauche des salons parisiens, c'est le Hollandisme sauce libérale. Rien de ce qui va servir à faire barrage au RN", déplore-t-on du côté des communistes, dans l'entourage du candidat Léon Deffontaines.

Renaissance en vigilance

Du côté de la majorité qui comprend Renaissance, Horizons et le Modem, on aimerait convaincre les électeurs socialistes que la liste menée par l'eurodéputée sortante Renew, Valérie Hayer, est la seule capable de barrer le RN. Dans les colonnes du Figaro fin février, la tête de liste macroniste estimait que son rival PS-Place publique pourrait rejoindre la liste qu'elle conduit.

"Il serait beaucoup plus efficace pour porter ses idées et avoir des résultats", lance-t-elle.

La députée européenne macroniste explique voter à Bruxelles et à Strasbourg "à 90% de la même façon" que l'essayiste.

À Renaissance, certains examinent la montée du candidat rose avec une forme de bienveillance. "C'est plutôt rassurant qu'enfin une gauche plus social-démocrate émerge en France et se démarque de LFI", constate la députée Caroline Janvier. Bien qu'elle juge Raphaël Glucksmann "pas toujours très réaliste, notamment sur les faisabilités économiques de la transition énergétique".

"C'est malgré tout une menace", analyse un parlementaire de la majorité très impliqué dans la campagne de 2019. "Il y a certes l'opportunité d'un autre appui que le centre-droit à Strasbourg, mais si on vote pareil Glucksmann et nous, alors les électeurs peuvent aussi se dire 'Pourquoi ne pas aller chez lui?", développe-t-il.

À droite et à l'extrême droite, l'espoir grandit

Au RN, on se refuse de commenter cette percée. Confortablement installé dans les derniers sondages, avec 30% d'intentions de vote, à deux mois du scrutin, le parti à la flamme préfère se concenter sur le fait de creuser l'écart avec les 16,5% de la liste macroniste. "Glucksmann, c'est notre anti-cible, c'est pas notre sujet", tacle un élu RN auprès de BFMTV.com.

Chez les Républicains dont le candidat François-Xavier Bellamy a débattu dimanche 14 14 avril avec le candidat socialiste, on rêve d'un retour au bon vieux clivage gauche-droite que l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 a enterré. "Je n'ai jamais cru au 'en même temps'" des macronistes, a expliqué sur notre plateau ce soir-là, François Xavier Bellamy.

"La politique, c’est des choix", a-t-il déclaré en affirmant que le président de la République "mentait aux Français" en mélangeant les positions politiques.

"Plus les macronistes se confonderont avec les socialistes et les socialistes avec LFI", plus la liste des Républicains apparaîtra "comme la plus claire à droite" et la plus sérieuse, explique un fin connaisseur du parti de droite à BFMTV.com.

Un candidat "identifié" qui parle d'Europe

Dans l'entourage du fondateur de Place publique, on explique cette percée rose dans les derniers sondages par les qualités et la campagne de Raphaël Glucksmann. "Plusieurs facteurs expliquent ce succès", indique un de ses très proches collaborateurs.

"Il a commencé sa campagne avant tout le monde, dès juin dernier [...]. Il répond à la question 'Quelle Europe voulez-vous?' [...]. Et il est très identifié sur des causes précises comme les Ouïghours et l'Ukraine", défend son entourage à BFMTV.com

Les opposants à gauche de Raphaël Glucksmann et Renaissance appellent néanmoins à relativiser cette percée, en plaidant que la campagne des Européennes n'a pas encore commencé, que les programmes ne sont pas encore tombés et que toutes les listes ne sont pas encore finalisées. Et donc que tout peut encore arriver.

Hortense de Montalivet