Fourgon pénitentiaire attaqué: quels sont les différents niveaux d'escorte pour les détenus?
Des opérations sous très haute tension. Mardi 14 mai, deux agents de l'administration pénitentiaire ont été tués et trois autres blessés grièvement au péage d'Incarville, dans l'Eure, au cours d'une mission d'extraction d'un détenu, Mohamed Amra, qui est depuis en cavale. Le fourgon pris pour cible transportait ce détenu entre Rouen et Évreux, où il était incarcéré.
Ces missions - on en dénombre 130.000 rien que pour l'année 2023 - étaient jusqu'en 2019 réservées aux policiers. Après un mouvement de contestation de ces derniers, qui ne souhaitaient plus s'acquitter de cette tâche, les transferts sont revenus au PREJ (Pôle de Rattachement des Extractions Judiciaires).
Formés à la conduite et au tir en l'espace de six semaines, ses membres sont uniquement équipés d'une arme de poing et d'un gilet pare-balles.
Quatre niveaux de dangerosité
Avant chacune de ces missions, le profil du détenu est scrupuleusement étudié, et les autorités carcérales choisissent alors entre quatre niveaux de dangerosité. Le premier niveau correspond à un détenu de droit commun et deux agents sont nécessaires pour son extraction. Le deuxième niveau est plus ou moins similaire, la différence étant qu'un troisième agent est ajouté à l'équipe.
Le niveau trois est quant à lui réservé aux détenus DPS (détenus particulièrement surveillés), par exemple condamnés pour des faits de terrorisme, et dont le transfert présente un trouble à l'ordre public ou qui sont susceptibles de s'évader. Le détenu est alors entravé et des renforts d'équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) ou des forces de sûreté intérieure FSI sont également prévus.
Le quatrième niveau est un niveau exceptionnel, qui concerne les détenus bénéficiant d'un soutien extérieur important et qui ont également déjà réussi une tentative d'évasion. Sont alors mobilisés les services de la préfecture et les Forces de Sécurité Intérieure.
Selon la procureure de la République de Paris Laure Beccuau, Mohamed Amra "nécessitait pour tous ses déplacements une escorte de niveau 3."
"La vigilance de l’administration pénitentiaire l’avait conduite à mobiliser ce matin-là cinq agents dont un officier d’expérience sur le trajet. Ce niveau de sécurité a été décidé il y a quelques semaines et non la veille des faits, contrairement à ce qui semble avoir circulé sur les réseaux sociaux", a-t-elle ajouté.
Avant chaque sortie, plusieurs itinéraires sont prévus afin d'éviter que le cortège ne se retrouve bloqué dans des embouteillages.
La profession réclame plus de moyens
Or, depuis les événements tragiques survenus au niveau du péage d'Incarville, de nombreux agents pénitentiaires et leurs représentants syndicaux se font l'écho d'un malaise au sein de la profession, qui s'estime délaissée et réclame des moyens supplémentaires pour mener ces missions à bien.
"Les escortes ne sont pas suffisamment protégées, nous n’avons pas assez d’agents pour assurer un nombre suffisant de personnel pour escorter les détenus", dit à BFMTV Frédéric Besson, collègue et ami d’une des victimes. "Nos collègues sont armés de 9mm face à des armes de guerre, des armes automatiques", abonde Yoan Karar, secrétaire général adjoint FO Pénitentiaire.
En France, on estime qu'une extraction sur quatre seulement est remplacée par une visioconférence, un chiffre que de nombreux syndicats souhaitent voir évoluer.
"Il y a quand même des choses à mettre en place. On peut éviter de sortir des personnes détenues, la visio doit pouvoir se développer. C’est devenu la norme et ça ne devrait pas l’être", conclut Erwan Saoudi, surveillant pénitentiaire et secrétaire interrégional FO.