BFM Alsace
Alsace

Européennes: LFI s'impose à Strasbourg et Mulhouse dans une Alsace tournée vers l'extrême droite

La cathédrale de Strasbourg - Image d'illustration.

La cathédrale de Strasbourg - Image d'illustration. - PATRICK HERTZOG / AFP

Si Manon Aubry (LFI) est arrivée en tête des élections européennes à Mulhouse et Strasbourg, la quasi-totalité des communes alsaciennes ont voté en majorité pour le Rassemblement national, porté par Jordan Bardella. Un exemple du clivage sociologique existant entre les grandes villes alsaciennes et les territoires ruraux.

Une Alsace clivée. Alors que la liste du Rassemblement national, portée par Jordan Bardella, est arrivée en tête des résultats des élections européennes ce dimanche 9 juin dans le Bas-Rhin (31,55%) et le Haut-Rhin (35,97%), deux villes tirent leur épingle du jeu en penchant dans l'autre direction politique: Strasbourg et Mulhouse, où la candidate La France insoumise Manon Aubry est arrivée en tête des suffrages.

Cette tendance à gauche est particulièrement marquée à Strasbourg, où la liste LFI a remporté 21,28% des voix, suivie par Raphaël Glucksmann (PS), avec 18,20% des suffrages. De quoi contrer le RN dans cette ville, puisque Jordan Bardella n'est arrivé qu'en quatrième position, derrière la liste de la majorité présidentielle, avec 14,16% des voix.

À Mulhouse, le candidat du RN est arrivé en deuxième position avec 22,55% des suffrages, mais reste derrière la liste portée par Manon Aubry, qui a remporté 23,08% des voix. Raphaël Glucksmann, arrivé quatrième à Mulhouse, a quant à lui remporté 12,40% des suffrages.

Un décalage sociologique entre ville et campagne

Cette distinction très marquée entre les deux plus grandes villes d'Alsace et le reste du territoire est représentative d'un clivage politique historique entre ces villes et les zones rurales.

"Dans le temps, Strasbourg dominait un petit peu les campagnes, et puis les campagnes se sont un peu autonomisées par rapport à Strasbourg avec la modernisation du pays", explique Philippe Breton, directeur de l'Observatoire de la vie politique en Alsace, invité ce lundi 10 juin sur le plateau de BFM Alsace.

"En Alsace, il y a peut-être une force particulière de ce clivage, entre les grandes villes qui sont plus cosmopolites -notamment Strasbourg, qui est une ville avec beaucoup d’étudiants, de fonctionnaires internationaux, européens- qui a éloigné son public populaire, qui l’a déplacé vers les campagnes."

À Strasbourg, ce clivage peut s'expliquer par la position centrale de la ville sur le plan européen, avec le siège d'institutions comme le Parlement. "C'est une capitale qui est très liée au tertiaire, aux professions intellectuelles, à la haute fonction publique", détaille Philippe Breton. Il existe ainsi "un vrai décalage sociologique" entre les villes comme Strasbourg et Mulhouse, qui se traduit "mécaniquement" par un décalage politique.

L'Alsace, qui est historiquement "une terre de droite", voit ainsi ses deux plus grandes villes "glisser de plus en plus, non seulement vers la gauche, mais vers l’extrême-gauche", explique le directeur de l'Observatoire de la vie politique en Alsace.

Ces élections européennes marquent davantage un tournant des deux grandes villes vers la gauche, alors même que le scrutin de 2019 avait vu la candidate de La République en marche, Nathalie Loiseau, arriver en tête des suffrages à Strasbourg (27,75%) et Mulhouse (22,41%).

Si la gauche était tout de même bien représentée dans les résultats avec 20,69% des voix pour Europe Écologie-Les Verts, LFI n'arrivait quant à elle qu'en sixième position, avec 6,90% des suffrages. À Mulhouse, Manon Aubry avait obtenu 7,35% des voix en 2019, bien loin derrière Jordan Bardella (21,77%), et même les écologistes étaient à la traîne, avec 13,71% des voix.

Des interrogations pour la droite alsacienne

Ce tournant à gauche de Strasbourg et Mulhouse n'est pas le seul clivage révélé par ces élections européennes: la droite alsacienne fait face, comme cela peut être le cas au niveau national, à une "recomposition".

"Ce à quoi on assiste, et c’est un phénomène de fond pas uniquement en Alsace, mais en France et en Europe, c’est une recomposition de la droite d’une part, et une droitisation de l’électorat", explique Philippe Breton.

Les députés alsaciens sortant ont donc potentiellement du souci à se faire pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochain, organisées après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron ce dimanche soir.

"Est-ce que ces députés vont être victimes de la recomposition de la droite?" s'interroge Philippe Breton. "C'est-à-dire du fait que la droite républicaine, les droites centristes, qui sont très puissantes en Alsace depuis longtemps, il y a un déplacement de l’électorat vers le Rassemblement national, qui se présente aujourd’hui comme le parti de droite hégémonique."

Dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, la majorité des communes ont vu Jordan Bardella arriver en tête de ces élections européennes. Les quelques communes où le RN n'a pas remporté la plus grande partie des suffrages, en dehors de Strasbourg et Mulhouse, ont vu la liste de la majorité présidentielle, Renaissance, arriver en tête.

>> Retrouvez tous les résultats de ces élections européennes, liste par liste, commune par commune, grâce à notre moteur de recherche.

Laurène Rocheteau