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Encadrement des loyers: comment certains propriétaires ont détourné le bail mobilité

Peu utilisé, le dispositif connaît maintenant un véritable essor grâce aux JO. Et certains propriétaires s'en servent pour contourner l'encadrement des loyers.

Peu utilisé à son lancement, le bail mobilité séduit plus d'un propriétaire à l'approche des Jeux olympiques (26 juillet-11 août), certains en profitant même pour détourner son usage et faire de la location touristique classique, selon des observateurs du secteur. Non renouvelable, le bail mobilité peut être conclu pour une durée allant d'un à dix mois maximum et ne s'adresse qu'aux locataires en situation de "mobilité": stagiaires, salariés en formation, travailleurs saisonniers, etc.

Le bail mobilité, une nouvelle solution pour rentabiliser son patrimoine immobilier ? - Mon Patrimoine, par Cédric Decoeur - 13/11
Le bail mobilité, une nouvelle solution pour rentabiliser son patrimoine immobilier ? - Mon Patrimoine, par Cédric Decoeur - 13/11
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Mesure phare de la loi Elan en 2018, c'était "un beau dispositif" pour "favoriser l'accès au logement des jeunes travailleurs", explique à l'AFP Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Mais à l'approche des JO, il est "tout à fait possible", selon lui, que certains bailleurs l'aient choisi pour en faire "un mauvais usage", pratique qu'il dénonce "totalement".

Interrogé par l'AFP, le réseau d'agences Lodgis, spécialisé dans la location meublée, observe une hausse de 2,8 points des baux mobilité au premier trimestre 2024, par rapport à l'an dernier. Il estime aussi entre "15% et 20%" la part de propriétaires ayant sollicité le réseau pour réfléchir "à un projet de location JO, notamment en bail mobilité". Plus flexible qu'un meublé classique et aussi avantageux fiscalement, le bail mobilité est aussi moins contraignant qu'un meublé de tourisme.

"La porte ouverte à une précarité plus grande"

Tout en dressant l'inventaire des conditions à remplir pour les bailleurs, la plateforme Airbnb les informe aussi que les voyageurs ainsi logés sont exemptés de taxe de séjour, "puisqu'il s'agit d'un bail résidentiel et non touristique" et que le logement échappe à l'obligation d'enregistrement. Face à la pénurie d'offre locative à Paris, nombre de jeunes travailleurs et d'étudiants à la recherche d'un logement n'ont d'autre choix que de signer ce bail, sans en remplir toujours les critères.

Pour certains, l'opportunité se révèle très inconfortable lorsque la fin du bail coïncide avec l'arrivée des JO et que leur contrat ou stage n'est pas terminé. Originaire de Bordeaux, Joachim, 23 ans, employé dans l'informatique à Paris, doit ainsi rapidement trouver une solution avant l'échéance de son bail mobilité fin juin.

"Je dois négocier du télétravail pendant deux mois pour pouvoir retourner à Bordeaux où j'aurai un logement pendant les Jeux", témoigne-t-il. Mais que se passera-t-il si l'entreprise refuse?

Son colocataire Tom Ignacio, intérimaire de 23 ans, sera lui "dans l'obligation de vivre chez des amis, le temps de trouver un logement pendant les Jeux". Des salariés sont parfois contraints de quitter leur logement en juin pour y retourner en septembre. C'est "la porte ouverte à une précarité plus grande des locataires", souligne le sénateur Ian Brossat (PCF), pour qui "en période de JO, la tension immobilière est tellement exacerbée qu'on en voit les conséquences XXL".

"Contourner l'encadrement des loyers"

Certains propriétaires utilisent par ailleurs ce bail "pour contourner l'encadrement des loyers" à Paris, en déclarant le logement comme la résidence secondaire du locataire ou pour faire de la "location saisonnière bis", ce qui leur permet d'échapper aux règles édictées par la mairie, observe David Rodrigues, responsable juridique de l'association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie). "Comment voulez-vous qu'à Paris on contrôle l'ensemble des baux signés? C'est impossible", interroge Sarah Coupechoux, chargée d'étude à la Fondation Abbé Pierre.

Le député PS Inaki Echaniz a déposé en mars une proposition de loi visant à lutter contre les congés locatifs frauduleux. Selon lui, les pratiques abusives restent encore trop souvent "impunies", et les locataires subissent encore trop de pressions "pour quitter les logements rapidement".

"On crée des contrats dérogatoires au droit commun qui s'adressent au départ à des publics ciblés, mais dès que le marché se tend, ça devient une forme de détricotage de la protection du locataire si on ne met pas les moyens de contrôle en face", analyse Sarah Coupechoux.

De son côté, le gouvernement souhaitait continuer à développer ce bail: une des mesures du projet de loi logement, qui devait être discuté à partir du 18 juin au Sénat, prévoyait de l'étendre au logement social afin de "favoriser le logement des apprentis ou des salariés en formation ou en stage".

D.L. avec AFP