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Rassemblement national

Colloques, formations, tables-rondes... Comment des syndicats veulent lutter contre l'extrême droite

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le 25 avril 2024 à Paris

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le 25 avril 2024 à Paris - Thomas SAMSON / AFP

Confrontés à une montée de l'extrême droite de "plus en plus pregnante dans le monde du travail", des syndicats multiplient les initiatives pour contrer cette tendance.

Des militants qui rejoignent les rangs du RN, un autre à un colloque de Reconquête, un discours qui infuse: avant les européennes, les syndicats haussent le ton, convaincus d'incarner "un rempart" contre l'extrême droite.

À l'approche du scrutin du 9 juin, plusieurs responsables syndicaux jugent urgent de "démasquer l'imposture sociale de l'extrême droite" qui attire un électorat populaire constitué d'ouvriers et d'employés.

"L'extrême droite n'a jamais été aussi proche du pouvoir", dénonce la numéro un de la CGT Sophie Binet. "Il est minuit moins le quart."

Colloque en octobre pour la CGT puis lancement d'une nouvelle formation à destination des militants dès janvier, table-ronde mi-avril avec la CFDT et l'Unsa, manifestation à Béziers la semaine dernière... Les initiatives ne manquent pas.

"Dérives idéologiques"

Car un sondage a marqué les esprits: l'enquête Harris Interactive publiée il y a deux ans, qui interrogeait les proches des différents syndicats sur leur vote au premier tour de la présidentielle en France.

"C'était l'alarme", se souvient Gina, 50 ans, militante CGT dans les Bouches-du-Rhône: 31% des sondés se disant proches de Force ouvrière (FO) avaient voté pour Marine Le Pen. Ils étaient 29% pour ceux proches de la CFTC, 22% à la CGT, 19% à l'Unsa, 17% à la CFE-CGC, 15% à CFDT et 14% chez Solidaires.

"On s'est rendu compte que des syndiqués pouvaient avoir des dérives idéologiques concernant l'extrême droite", dit, encore choquée, la quinquagénaire.

Chez ces militants, "on a dépassé le tonton qui disait 'je ne suis pas raciste, mais...'".

Un constat que ne nient pas les cadres de la CGT à l'instar de Nathalie Bazire, secrétaire confédérale en charge de la lutte contre l'extrême droite: "la montée des idées d'extrême droite est de plus en plus prégnante dans le monde du travail. Malheureusement, elle traverse et peut traverser les camarades de la CGT".

"Barrage syndical"

Pour Marylise Léon, l'extrême droite "se tient relativement à distance" de la CFDT notamment, même s'il y a "des tentations et des tentatives de liens avec des équipes syndicales locales".

"On a connu une période, ça fait à peu près 10-15 ans, où on a eu des offensives d'entrisme (...) et les personnes concernées ont fait l'objet d'exclusions", rappelait la dirigeante lors d'une table ronde mi-avril, tout en soulignant que "c'est un peu moins le cas" aujourd'hui.

Globalement, "quand on est syndiqué, on a moins de risque de basculer à l'extrême droite. Il y a comme un barrage syndical", insiste Cédric Bottéro, président de Visa (Vigilance initiatives syndicales antifascistes), association née en 1996 qui rassemble plusieurs chapelles (CGT, FSU, Solidaires, quelques membres de la CFDT, la CNT, le Syndicat de la magistrature).

Mais il en convient: "Les idées d'extrême droite et la possibilité de voter pour un candidat d'extrême droite est en train d'augmenter au sein de tous les syndicats".

Plusieurs exclusions

Solidaires a notamment exclu à l'automne un syndicaliste qui "était dans des meetings" et avait "un discours ambivalent", a expliqué sa co-déléguée Murielle Guilbert. Visa a aussi alerté la CFE-CGC de l'adhésion d'un de ses cadres au parti Reconquête d'Eric Zemmour. Un courrier affirme que ce responsable syndical est "en charge du pôle école de Reconquête".

En février, c'est le secrétaire fédéral de FO, représentant depuis 30 ans en Ardèche, Jean-Claude Escalier, qui a rejoint le RN. "Il a démissionné rapidement, ce qui n'a pas empêché son courrier d'exclusion", défend le secrétaire général du syndicat Frédéric Souillot.

Ce nouvel épisode chez FO a rappelé le précédent Frédéric Weber, ancien syndicaliste d'ArcelorMittal, qui a rejoint il y a un an le parti de Marine Le Pen. "A Florange, ce n'est pas le RN en tant que tel, c'est la déception après les fermetures des hauts-fourneaux" qui les explique, nuance Frédéric Souillot.

La CGT avait connu un épisode similaire, se souvient Emmanuel Vire (co-pilote de la commission de lutte contre les idées d'extrême droite à la CGT), "à Hayange en 2011, le secrétaire de la CGT Fabien Engelmann avait rejoint le FN" avant de devenir maire de la ville.

Aujourd'hui, "des cas comme celui-là, on n'en a plus", relève Emmanuel Vire. Mais Sophie Binet se veut prudente "ce n'est pas du tout exclu que ça se reproduise".

B.F avec AFP